REPORTAGE VIDÉO – Ce samedi 10 novembre, plus de 1 200 personnes ont pu assister à une démonstration d’aurore boréale projetée sur grand écran au Palais des sports de Grenoble, dans le cadre des Rencontres Montagnes & Sciences. Une performance réalisée par l’astrophysicien Mathieu Barthélémy, qui nous en dit plus sur ce phénomène naturel.
« Voir les aurores boréales dans la réalité, souvent les pieds dans la neige, constitue vraiment des moments uniques », témoigne l’astrophysicien Mathieu Barthélémy, directeur du Centre spatial universitaire de Grenoble (CSUG) et chercheur à l’Institut de planétologie et d’astrophysique de Grenoble (Ipag). Invité ce samedi 10 novembre dans le cadre des Rencontres Montagnes & Sciences, il a réalisé avec deux de ses étudiants une démonstration d’aurore boréale au Palais des sports de Grenoble.
« C’est la première fois que nous présentons cette expérience devant autant de monde », précise-t-il. Jusqu’alors réalisée en petit comité, celle-ci a cette fois-ci été projetée sur grand écran pour atteindre une jauge de plus de 1 200 personnes dans la grande salle du Palais des sports.
Planeterrella, un formidable simulateur d’aurores boréales
Planeterrella, c’est ainsi que se nomme la machine créatrice d’aurores boréales. Ce, en référence à une première expérience intitulée la Terrella, réalisée il y a un siècle par le physicien norvégien Olaf Birkeland, l’un des pionniers de l’étude de ces phénomènes lumineux de la haute atmosphère.
Les trois ingrédients pour créer une aurore boréale ? Basiquement, il faut un vent de particules, une atmosphère et enfin un champ magnétique. Mais rien de tel que quelques images pour suivre cette expérience :
L’anneau généré par la machine possède une forme très proche des ovales auroraux observables autour des pôles magnétiques de la Terre, tels qu’on peut les admirer sous le ciel de Norvège ou au Canada. Mais la couleur de ces rubans de lumière d’un dégradé rose vif est bien différente de celle des aurores boréales terrestres à dominante verte avec parfois un peu de rouge voire de violet.
Comment expliquer cette différence ? « Dans l’expérience, nous ne sommes pas tout à fait aux mêmes conditions de pression. Les aurores boréales se produisent entre 100 et 300 km d’altitude. Avec la Planeterrella, on atteint des pressions correspondant à seulement 70 km d’altitude. De surcroît, dans l’enceinte de la machine, on n’est pas en espace libre comme dans la réalité où rien ne vient arrêter les particules », explique Mathieu Barthélémy.
Les aurores boréales, un thermomètre de l’atmosphère aux hautes altitudes
À quoi sert d’étudier les aurores boréales ? « Pour nous, les aurores boréales sont un thermomètre de cette couche d’atmosphère dans laquelle les particules du vent solaire précipitent. Et heureusement que ces phénomènes existent car cette zone atmosphérique située entre 100 et 300 km d’altitude est très difficile à observer », commente-t-il. Avant d’expliquer : « Cent kilomètre d’altitude, c’est trop haut pour les ballons atmosphériques, et 300 km d’altitude, c’est trop bas pour les satellites », souligne l’astrophysicien.
Il existe néanmoins un autre moyen de mieux connaître cette couche d’atmosphère, ajoute le chercheur, soucieux de précision. Comment ? Au moyen de radars au sol qui, après avoir envoyé une impulsion radioélectrique, collectent la réponse de l’atmosphère.
L’étude de cette couche d’atmosphère appelée météo de l’espace est très importante car les particules qui arrivent du Soleil peuvent causer des perturbations jusqu’à faire disjoncter les réseaux électriques, comme ce fut le cas en 1989 au Canada. Ainsi, les variations du champ magnétique terrestre consécutives à une forte éruption solaire ont provoqué l’écroulement du réseau électrique d’Hydro-Québec. « Ces perturbations peuvent aussi affecter la précision des GPS de plus d’une centaine de mètres et le fonctionnement des satellites », précise encore Mathieu Barthélémy.
Comme pour la météo classique, l’intérêt de la météo de l’espace réside dans la prévision des perturbations afin de prendre à temps des mesures pour tenter de se protéger de leurs effets.
Des aurores boréale sur Mars
Existe-t-il des aurores boréales ailleurs que sur Terre ? « Oui, notamment sur Mars où elles ont été découvertes assez récemment, il y a une dizaine d’années seulement. Il subsiste en effet des restes de champ magnétique dans la croûte de la planète rouge », cite-il en exemple. Planeterrella a d’ailleurs été utilisée pour simuler une aurore boréale sur Mars. Les scientifiques ont notamment remplacé l’air par du gaz carbonique (CO2). Résultat ? « Les émissions lumineuses étaient de couleur complètement différentes, d’un bleu nuit très profond », nous révèle-t-il.
Les aurores boréales les plus intenses de tout le système solaire se produisent sur Jupiter mais, là non plus, les couleurs ne sont pas les mêmes que sur Terre. « Elles se produisent essentiellement dans l’ultraviolet. Elles n’ont donc été découvertes qu’avec les premiers télescopes spatiaux qui ont pu observer dans le spectre ultraviolet alors que sur Terre, la couche d’atmosphère constitue un bon filtre UV », précise encore Mathieu Barthélémy.
Plus surprenant encore, il nous apprend qu’un astre lumineux comme le soleil n’est pas indispensable pour générer une aurore boréale sur une planète. De fait, « il existe d’autres configurations capables de générer des aurores boréales, comme une planète et son satellite, par exemple Jupiter et son satellite Ganymède qui a aussi un champ magnétique. Car c’est le vent solaire qui est important, pas les émissions sous forme de lumière », insiste l’astrophysicien.
Véronique Magnin